SHOAKU MAKUSA


Nous avons tous des conceptions sur le bien et le mal mais sont-elles toujours adéquates ?
 
Quoiqu’il en soit, comme le dit Maître Dogen avec une audace percutante, il n’existe aucun bien qui préexiste à son accomplissement par une personne, autrement dit il n’y a ni bien ni mal abstraits. Argument imparable!
 
Faire le bien délibérément ne suffit pas, écarter le mal non plus ; il nous faut fondamentalement nous appuyer sur notre nature profonde pour harmoniser nos actions avec la Voie.

 

Le Bouddha éternel dit :

 

Ne pas faire le mal,

Pratiquer les nombreuses formes de bien,

Purifie naturellement l’esprit ;

Tel est l’enseignement des Bouddhas.

 

Cet enseignement, le Précepte Universel des patriarches ancestraux, les Sept Bouddhas, a été authentiquement transmis par les premiers Bouddhas aux derniers Bouddhas, et les derniers Bouddhas en ont reçu la transmission des premiers Bouddhas.

Il ne s’agit pas seulement de l’enseignement des Sept Bouddhas: c’est l’enseignement de tous les Bouddhas. Nous devrions examiner soigneusement ce principe et en maîtriser la pratique. Ces mots du Dharma des Sept Bouddhas ont toujours eu la même résonance. Ce qui est été transmis et reçu de personne à personne n’est autre que la clarification de la vérité et exprime la réalité à cet endroit précis. Ceci est en soi déjà l’enseignement des Bouddhas; c’est l’enseignement, la pratique et l’expérience de centaines, de milliers, de dizaines de milliers de Bouddhas.

 

Considérant le mal dont il est question, parmi la justesse, la fausseté et l’indifférence, il correspond à la fausseté. Son essence n’est autre que la non-apparition, l’état sans excès, la forme réelle.

En même temps, à chaque endroit précis de l’espace-temps ces trois propriétés incluent d’innombrables sortes de dharmas. Dans le mal, il y a des similarités et des différences entre le mal dans ce monde et le mal dans les autres mondes, et il y a des similarités et des différences entre les temps anciens et les temps actuels. Il y a des similarités et des différences entre le mal au paradis et le mal dans le monde humain.

La différence est d’autant plus grande entre la fausseté morale, la justesse morale, et l’indifférence morale dans le bouddhisme et dans le monde séculier. Le juste et le faux sont le temps; le temps n’est ni juste ni faux. Lorsque le Dharma est en équilibre, la fausseté est en équilibre. Lorsque le Dharma est en équilibre, la justesse est en équilibre. Les choses étant ainsi, lorsque nous pratiquons anuttara-samyak-sambodhi, lorsque nous entendons les enseignements, lorsque nous pratiquons et expérimentons l’éveil, il y a profondeur, distance et subtilité.

 

Parfois nous entendons parler de la boddhéité en suivant de bons conseillers, et parfois en suivant les sutras. Le point de départ, le sens de ces enseignements est « ne pas faire le mal. » Si cela n’est pas ainsi, ce n’est pas le véritable Dharma de Bouddha mais un enseignement de démons hérétiques. Rappelons-nous donc constamment qu’un enseignement qui nous inspire de « ne pas faire le mal » est le véritable Dharma du Bouddha. Cet enseignement de « ne pas faire le mal » n’est pas l’affaire de l’homme du commun : il n’a pas été commencé intentionnellement, puis protégé intentionnellement dans sa forme présente par l’homme du commun ; lorsque nous entendons au contraire un enseignement issu naturellement de l’éveil, c’est ce qu’il doit nous évoquer.

Ce qui nous évoque cela est simplement un discours issu de l’éveil prenant forme en mots. Il s’agit déjà de l’enseignement de l’éveil, il enseigne la vérité. Lorsqu’il devient l’enseignement de la vérité, lorsqu’en l’entendant nous sommes transformés, nous espérons spontanément « ne pas faire le mal », nous tâchons d’agir en suivant « ne pas faire le mal » et le mal n’est pas commis; dans ce cas le pouvoir de la pratique est réalisé instantanément.

 

Cette réalisation survient à l’échelle de la terre entière, du monde entier, de l’ensemble du temps, et de la totalité du Dharma. Et l’échelle de cette réalisation totale est l’échelle de ne pas commettre le mal. Pour les personnes qui sont établies dans cette réalité, au moment même de cette réalité – même s’ils habitent dans un endroit précis et se rendent à un endroit où ils commettent le mal, même s’ils font face à des circonstances dans lesquelles ils pourraient commettre le mal, et même s’ils semblent s’associer à des personnes qui commettent le mal – en réalité aucun mal ne peut jamais être commis.

Le pouvoir de ne pas commettre le mal est réalisé, ainsi les mauvaises actions ne peuvent surgir en tant que telles car il leur manque le socle sur lequel elles pourraient se déployer. Il existe une vérité bouddhiste qui dit de saisir à un certain moment, et de lâcher prise à un autre moment.  A ce moment exact, la vérité est connue que le mal n’entrave aucune personne, et la vérité est clarifiée qu’une personne ne détruit pas le mal. Lorsque nous dévouons complètement notre esprit à la pratique, notre corps entier à la pratique, la réalisation de quatre-vingts ou quatre-vingt-dix pour cent de ne pas commettre le mal surgit déjà juste avant ce moment par le pouvoir de Kannon, et dès lors le fait de ne pas commettre le mal est déployé.

 

Lorsque nous pratiquons en mobilisant totalement notre corps-esprit et en mobilisant complètement le corps-esprit d’autrui, le pouvoir de pratiquer avec les quatre éléments et les cinq agrégats est réalisé d’un seul coup; mais les quatre éléments et les cinq agrégats ne souillent pas le moi. Toutes choses, même les quatre éléments et les cinq agrégats actuels, continuent d’être pratiquées, les pouvoirs des quatre éléments et des cinq agrégats se réalisent dans la pratique du moment présent.

Lorsque nous convoquons même les montagnes, les rivières et la terre, et la terre le soleil, la lune et les étoiles à pratiquer avec nous, les montagnes, les rivières, la terre, le soleil, la lune et les étoiles à leur tour soutiennent notre pratique. Il ne s’agit pas d’un instant vu une fois pour toute, ce sont les visions justes de tous les temps. Parce que tous les moments dans lesquels la vision juste est présente est l’œil du Bouddha, ils amènent les Bouddhas et les Patriarches à pratiquer, les induisent à écouter les enseignements et leur font expérimenter l’éveil. Les Bouddhas et les  Patriarches n’ont jamais souillé les enseignements, la pratique et l’expérience de l’éveil, de sorte que les enseignements, la pratique et l’expérience de l’éveil n’ont jamais altéré les Bouddhas et Patriarches.

Pour cette raison, lorsque les enseignements, la pratique et l’expérience de l’éveil amènent les Patriarches Bouddhistes à pratiquer, il n’y a aucun Bouddha ni aucun Patriarche qui y échappe, que ce soit avant ou après ce moment, dans le passé, le présent ou le futur.

 

Lorsque nous marchons, nous nous tenons debout, sommes assis, nous couchons au cours de la journée, nous devrions considérer attentivement le fait que lorsque des êtres vivants deviennent des Bouddhas et des Patriarches, nous devenons nous-mêmes Bouddhas et Patriarches Bouddhistes, même si cela n’altère pas la condition d’un Patriarche Bouddhiste qui a toujours été notre demeure.

En devenant un patriarche bouddhiste nous-mêmes, nous ne détruisons pas les êtres vivants, nous ne nous défaisons pas de cette condition, et nous ne la perdons pas, néanmoins nous en sommes dépouillés. Nous entraînons le bien et le mal, la cause et l’effet à pratiquer, pour autant cela ne signifie pas que nous dérangions ni que nous produisions intentionnellement cause et effet. La cause et l’effet eux-mêmes entrent dans notre pratique simultanément.

L’état dans lequel les caractéristiques originelles de la cause et de l’effet sont déjà devenues évidentes est ne pas commettre le mal, qui est la non-apparition, l’état inconsistant, sans confusion et sans abandon, parce que le corps-esprit s’est déjà effacé.

 

Lorsque nous les étudions ainsi, les mauvaises actions sont réalisées comme si elles étaient devenues complètement identiques à ne pas commettre le mal. Avec le secours de cette réalisation, nous pouvons pénétrer profondément ne pas commettre le mal, nous pouvons l’actualiser fermement par l’assise. Exactement dans cet instant – lorsque la réalité est accomplie en tant que ne pas commettre le mal au début au milieu et à la fin – les mauvaises actions ne surgissent plus des causes et des conditions; elles ne sont autres que ne pas commettre le mal.

Si les mauvaises actions sont en équilibre, tous les phénomènes sont en équilibre. Quiconque reconnaît que les mauvaises actions surgissent des causes et des conditions, mais ne voit pas que ces causes et conditions sont elles-mêmes en réalité ne pas commettre le mal, est une personne pitoyable. Les semences de la boddhéité surgissent des conditions, et ceci étant, les conditions surgissent des semences de la boddhéité. Cela ne signifie pas que les mauvaises actions n’existent pas; mais elles ne sont rien d’autre que ne pas commettre le mal. Cela ne signifie pas que les mauvaises actions existent; mais elles ne sont rien d’autre que ne pas commettre le mal.

Les mauvaises actions ne sont pas immatérielles; elles sont ne pas commettre le mal. Les mauvaises actions ne sont pas matérielles; elles sont ne pas commettre le mal. Les mauvaises actions ne sont pas « ne pas commettre » ; elles ne sont rien d’autre que ne pas commettre le mal.

De la même manière par exemple les pins printaniers ne sont ni non-existence ni existence, ils sont ne pas commettre le mal. Un chrysanthème automnal n’est ni non-existence ni existence; il est ne pas commettre le mal. Les Bouddhas ne sont ni existence ni non-existence; ils sont ne pas commettre le mal. Des choses telles qu’un pilier de soutènement, une lanterne de pierre, un fouet ou une canne ne sont ni existences ni non-existence; ils sont ne pas commettre le mal. Le moi n’est ni existence ni non-existence; il est ne pas commettre le mal. Pratiquer ainsi est se conformer à l’univers réalisé et est en soi la réalisation universelle – que l’on considère cela du point de vue du sujet ou du point de vue de l’objet.

 

Lorsque l’éveil est apparu ainsi, même le regret concernant « j’ai commis ce qui n’a pas été commis » n’est rien d’autre qu’une énergie surgie de l’effort de ne pas commettre le mal. Cependant prétendre dans ce cas que, puisque ne pas commettre le mal est ainsi, nous pouvons délibérément nous permettre de commettre de mauvaises actions, est comme marcher vers le nord en espérant arriver dans une province du sud.

La relation entre les mauvaises actions et ne pas commettre le mal n’est pas seulement comme « un puits regardant un âne »; c’est le puits regardant le puits, L’âne regardant l’âne, un être humain regardant un autre être humain, une montagne regardant une montagne. Parce qu’il y a « enseignement de ce principe d’accord mutuel », les mauvaises actions sont ne pas commettre le mal.

 

Le corps authentique du Dharma du Bouddha

Est simplement comme l’espace.

Il manifeste sa forme en harmonie avec toute chose,

Tout comme la lune se reflète dans l’eau.

 

Parce que ne pas commettre le mal est en harmonie avec toute chose, ne pas commettre le mal manifeste sa forme. « Il est simplement comme l’espace »: c’est comme frapper dans ses mains à gauche et frapper dans ses mains à droite. « Il est comme la lune reflétée dans l’eau »: et l’eau est envahie par la lune. De tels exemples de ne pas commettre le mal sont l’actualisation de la réalité et nous ne devrions jamais en douter.

 

 

*

 

 

« Pratiquer toutes les formes de bien. »

 

Parmi les trois propriétés, toutes les formes de bien correspondent à la justesse. Bien que toutes les formes de bien soient incluses dans « la justesse », aucune forme de bien n’a été réalisée préalablement à ce que quelqu’un l’accomplisse. Aucune forme de bien ne manque d’apparaître exactement au moment même de l’action juste. La multitude des formes de bien n’ont pas de contours définis, mais convergent vers l’action juste plus vite que le fer vers l’aimant, avec une force plus grande que les vents d’une tornade.

Il est totalement impossible pour la Terre, les montagnes et les rivières, le monde ou même la force du karma accumulé, d’échapper à leur fusion dans le bien. Le principe selon lequel, concernant le bien, ces définitions diffèrent selon le monde est le même que concernant le mal. Ce qui peut être reconnu en tant que juste est appelé juste, si bien que c’est comme la manière dont les Bouddhas des trois temps enseignent le Dharma.

La similarité en est que leur enseignement du Dharma, lorsqu’ils sont présents dans un monde particulier, est seulement temporel. Parce que le cours de leur vie et leur corps limité se sont continuellement appuyés totalement sur le moment présent, ils enseignent le Dharma qui est sans distinction. De sorte que c’est comme la situation selon laquelle le bien en tant que caractéristique d’une pratique dévote et le bien en tant que caractéristique de la pratique du Dharma, bien qu’étant très éloignés l’un de l’autre, ne sont pas différents. Ou bien par exemple, c’est comme si les préceptes protégés par un auditeur correspondaient aux préceptes violés par un bodhisattva.

 

Les nombreuses formes de bien ne surgissent pas des causes et des conditions; elles ne disparaissent pas en fonction des causes et des conditions. Les nombreuses formes de bien sont des phénomènes réels, mais ces phénomènes ne sont pas les nombreuses formes de bien. Les causes et les conditions, apparaissant et disparaissant, et les nombreuses formes de bien sont semblables dans le fait que, si elles sont correctes au départ, elles sont correctes à la fin. Les nombreuses formes de bien sont faire le bien, mais elles ne sont ni la personne agissante, ni connues par la personne agissante, ne sont ni autrui ni connues par autrui.

Etant donné que la connaissance et la vision de soi et d’autrui consiste à savoir et voir qu’il y a soi et qu’il y a autrui, la vision éveillée existe donc dans la lumière et dans l’obscurité. Ceci en soi est faire le bien. À ce moment exact de faire le bien l’univers réalisé existe, mais ce n’est ni créé par l’Univers, ni l’existence éternelle de l’Univers. Comment pourrions-nous donc l’appeler pratique originelle?

Accomplir les actions justes est faire le bien, mais ce n’est pas quelque chose qui peut être saisi intellectuellement. Faire le bien dans le présent est la vision juste au-delà de toute considération intellectuelle. La vision juste n’est pas réalisée dans le but d’appréhender le Dharma intellectuellement. La considération à partir de la vision juste n’est jamais la même que par un autre biais.

Les nombreuses formes de bien sont au-delà de l’existence de la non-existence, de la matière et de l’immatériel, et ainsi de suite; elles ne sont rien d’autre que faire le bien.

Où et quand qu’elles soient réalisées, elles sont sans exception faire le bien. Ce faire le bien inclut inévitablement la réalisation de nombreuses sortes d’actions justes.

La réalisation de faire le bien est l’Univers lui-même, mais est au-delà de l’apparition et de la disparition , au-delà des causes et des conditions. Entrer, rester, partir et toutes les autres sortes de faire le bien sont également ainsi. À l’endroit où nous sommes déjà en train de réaliser, en tant que faire le bien, une simple action juste parmi toutes les sortes d’actions justes, le Dharma entier, le Corps complet du Bouddha, la Terre Pure, sont actualisés en tant que faire le bien.

La cause et l’effet de cette action juste, de la même manière, est l’Univers entier en tant que réalisation de faire le bien. Ce n’est pas que les causes soient antérieures et les effets postérieurs. Mais plutôt que les causes se satisfont parfaitement à elles-mêmes et que les effets se satisfont parfaitement à eux-mêmes; lorsque les causes sont en équilibre le Dharma est en équilibre et lorsque les effets sont en équilibre le Dharma est en équilibre. Déclenchés par les causes, on ressent les effets, mais il ne s’agit pas d’un avant et un après; car la vérité manifeste est que le moment précédent et le moment suivant sont en équilibre tel qu’ils sont.

 

 

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La signification de « purifie naturellement l’esprit » est la suivante: ce qui est naturel est de ne pas commettre le mal, et ce qui purifie est de ne pas commettre le mal. La réalité est naturelle et l’esprit est naturel. La réalité est ne pas commettre le mal l’esprit est ne pas commettre le mal. L’esprit est faire le bien, ce qui purifie est faire le bien, la réalité est faire le bien et ce qui est naturel est faire le bien. C’est pourquoi il est dit que cela est l’enseignement des Bouddhas.

 

Ceux qui sont appelés Bouddhas sont, dans certains cas, des dieux comme Shiva, mais il y a des similarités et des différences mêmes parmi les dieux, et tous les dieux ne sont pas des Bouddhas. Dans certains cas les Bouddhas sont comme des rois qui font tourner la roue du Dharma, mais tous les rois qui font tourner la roue du Dharma ne sont pas des Bouddhas.

Nous devons considérer ces choses et nous atteler à la pratique. Si nous n’apprenons pas comment devraient être les Bouddhas, même s’il semble que nous endurions des difficultés en vain, nous sommes pareils à des êtres ordinaires acceptant la souffrance; nous ne pratiquons pas la vérité du Bouddha. Ne pas commettre le mal et faire le bien sont « Avant même que disparaisse l’affaire de l’âne, l’affaire du cheval apparaît. »

 

 

Haku Kyo-i de la Chine des Tang fut un disciple laïc du Maître Zen Bukko Nyoman, et un disciple de seconde génération du Maître Zen Kozei Daijaku (Baso). Lorsqu’il était gouverneur du district de Hangzhou il pratiqua dans la sangha du Maître Zen Choka Dorin. Dans l’histoire qui suit Kyo-i demanda tout d’abord « Quelle est la grande intention du Dharma du Bouddha ? »

Dorin dit: « Ne pas commettre le mal. Pratiquer toutes les formes de bien. »

Kyo-i dit: « S’il en est ainsi, même un enfant de trois ans peut l’exprimer! »

Dorin dit: « Un enfant de trois ans peut dire la vérité, mais un vieillard de quatre-vingts ans peut ne pas la pratiquer. »

 

Instruit de la sorte, Kyo-i se prosterna en remerciement puis partit.

 

Kyo-i, bien que descendant du Shogun Haku, est un magicien de la poésie comme on en croise rarement à travers les siècles. Les gens le rangent parmi les 24 grands hommes de lettres. Il porte le nom de Manjusri, ou celui de Maitreya. Il n’est nul qui soit opaque aux sentiments véhiculés par ses poèmes et nul ne manque de rendre hommage à son autorité dans le monde littéraire.

 

Néanmoins dans le Bouddhisme il fut un débutant et un pratiquant tardif. De plus il semble bien qu’il n’ait jamais saisi ce point de « Ne pas faire le mal. Pratiquer toutes les formes de bien », pas même en rêve.

Kyo-i pense que Dorin lui enjoint seulement de « Ne pas commettre le mal! Pratiquer toutes les formes de bien! » comme la formulation d’un but conscient. Donc il ne connaît ni n’entend la vérité vénérée à travers les âges de l’enseignement de ne pas commettre le mal, d’accomplir toutes les formes de bien, qui a fondé le Bouddhisme depuis l’éternel passé jusqu’au présent éternel.

Il n’a même pas posé un pied dans le champ du Dharma de Bouddha. Il ne possède pas le pouvoir du Dharma du Bouddha, c’est pourquoi il parla ainsi. Bien que nous mettions en garde contre l’accomplissement intentionnel du mal, et bien que nous encouragions la pratique délibérée de bonnes actions, cela devrait en réalité être ne pas commettre le mal.

En général le Dharma du Bouddha est constant, qu’il soit entendu pour la première fois dans la bouche d’un bon conseiller, ou qu’il soit expérimenté dans la réalisation de l’éveil. Ceci est appelé correct au départ, correct à la fin, ou encore la cause merveilleuse et l’effet merveilleux, ou bien encore la cause bouddhiste et l’effet bouddhiste. La cause et l’effet dans le bouddhisme sont au-delà des discussions théoriques.

 

Ceci étant, sans cause bouddhiste, nul ne peut expérimenter l’effet bouddhiste. Précisément parce que Dorin enseigne cette vérité, il possède le Dharma du Bouddha. Même si une myriade de mauvaises actions se répandaient dans tout l’univers, et même si une montagne de mauvaises actions aspiraient le Dharma tout entier, il y aurait encore salvation et libération en ne commettant pas le mal.

Parce que toutes les formes de bien sont correctes au départ, au milieu et la fin, « faire le bien » est réaliser la nature, la forme, le corps, l’énergie tels qu’ils sont.

Kyo-i n’a jamais foulé ces traces, c’est pourquoi il dit: « Même un enfant de trois ans pourrait l’exprimer! ». Il parle ainsi sans être réellement capable de manifester la moindre expression de la vérité. Comme tu es pitoyable, Kyo-i. Que dis-tu simplement? N’as-tu jamais entendu parler d’héritage du Bouddha ? Connais-tu vraiment ou non un enfant de trois ans? Connais-tu ou non un nouveau-né? Quelqu’un qui connaît un enfant de trois ans doit aussi connaître les Bouddhas des trois temps.

Ne pensez pas qu’avoir rencontré la vérité face à face revient à la connaître. Ne pensez pas que sans avoir rencontré la vérité face à face on ne peut la connaître. Quiconque est parvenu à connaître une seule particule connaît l’univers entier, et quiconque a pénétré réellement un seul phénomène a pénétré la multitude des phénomènes.

Quelqu’un qui n’a pas pénétré la multitude des phénomènes n’a pénétré aucun phénomène réel. Lorsque les étudiants ont pénétré complètement la réalité des phénomènes, ils voient la myriade des phénomènes dans leur réalité; c’est pourquoi ceux qui étudient une simple particule apprennent inévitablement à connaître l’univers entier. Penser qu’un enfant de trois ans ne peut pas prêcher le Dharma du Bouddha, et penser que ce que dit un enfant de trois ans doit forcément être facile, est tout à fait stupide. Tout simplement parce que clarifier la vie et la mort est le grand dessein des bouddhistes.

Un maître ancien a dit: « Dès votre naissance vous avez reçu votre part du rugissement du lion. » : « Une part du rugissement du lion » désigne la vertu du Thatagata de faire tourner la roue du Dharma. Un autre maître ancien a dit: « Vie et mort, apparition et disparition sont le corps humain véritable. »

Ainsi clarifier le corps véritable et avoir la vertu du rugissement du lion est authentiquement la grande affaire, ce qui ne peut jamais être facile à pratiquer. Pour cette raison, clarifier les motivations et les actions d’un enfant de trois ans sont également la grande affaire. Bien qu’il y ait des différences entre les actions et les motivations des Bouddhas des trois temps et celle des enfants; c’est pourquoi Kyo-i, confit dans son ignorance, n’a jamais été en mesure d’entendre un enfant de trois ans prêcher la vérité, et c’est pourquoi, ne suspectant pas même l’existence d’un tel prêche, il parle ainsi.

Il n’entend aucunement la voix de Dorin, pourtant plus vivante que le tonnerre, et donc il dit: « Même un enfant de trois ans pourrait l’exprimer! » Comme si Maître Dorin lui-même n’avait exprimé aucune vérité dans ses mots. Donc Kyo-i n’entend pas le rugissement de lion d’un enfant, et passe vainement à côté d’un véritable Maître Zen qui fait tourner la roue du Dharma.

Le Maître Zen, incapable de contenir sa compassion, continue pourtant: « Un enfant de trois ans peut dire la vérité, mais un vieillard de quatre-vingts peut ne pas la pratiquer. » Voici ce qu’il exprimait ainsi: « Un enfant de trois ans possède des mots qui expriment la vérité, et que vous devriez étudier sérieusement. Des vieillards de quatre-vingts ans disent: « Je ne peux pas pratiquer cela », et vous devriez y réfléchir attentivement. Je vous laisse le soin de décider si oui ou non un enfant enseigne la vérité, mais je ne laisse pas l’enfant décider de la vérité. Je vous laisse le soin de décider si un vieillard peut pratiquer, mais je ne laisse pas le vieillard décider de la vérité. »

 

 

Voilà le principe fondamental qu’il nous faut poursuivre et enseigner, afin d’honorer ainsi le Dharma du Bouddha.