Pratiquer la Voie, c’est s’étudier soi-même.
S’étudier soi-même, c’est s’oublier soi-même.
S’oublier soi-même, c’est être certifié par toutes les existences du cosmos.
Maître Dogen
Il est sans doute temps de répondre aux questions de départ à la lumière de ce qu’on a exposé sur zazen :
- Comment se libérer de la souffrance et de l’engrenage dans lequel nous sommes pris?
- Comment résoudre la dualité ?
- Comment étancher notre soif d’absolu ?
- Comment redonner du sens à notre vie ?
- Comment guérir l’esprit ?
- Comment nous libérer de nos conditionnements ?
- Comment retrouver un esprit neuf ?
1) Un esprit souple
Comment se libérer de la souffrance et de l’engrenage dans lequel nous sommes pris?
En réalité, comme on l’a vu, on utilise le corps et la respiration pour parvenir à contrôler la conscience, et en particulier le mental-singe. C’est fondamental car comme le disait Maître Deshimaru, « si on cherche à contrôler l’esprit par l’esprit, c’est comme ajouter du bois dans le feu. » Donc voilà le point d’appui essentiel pour se libérer de la souffrance.
Mais surtout, fondamentalement, pour se libérer de la souffrance il faut… ne pas la fuir ! Donc accepter tout ce qui apparaît, et en voir instantanément le caractère illusoire. C’est cela, à chaque instant, qui est libérateur : le lâcher-prise. Au début ce lâcher-prise est difficile, on a l’impression de perdre quelque chose, comme une main qui s’ouvre, mais quand la main est ouverte, on possède tout… et on est libre.
Quand il fait chaud, il fait chaud. Donc pour se libérer de l’engrenage il faut commencer par accepter complètement l’engrenage.
Voilà le fondement de notre pratique, c’est-à-dire ne pas rajouter le mécontentement du mental à une situation même difficile. Par conséquent, on reste complètement dans l’engrenage, on le laisse se produire, mais on s’en distancie comme si on était dans l’œil du cyclone. A ce moment-là, progressivement, dans notre zazen, et au cours d’une vie de pratique, du « jeu » apparaît dans l’engrenage: entre les pensées apparaît la vacuité. Il devient possible de trancher facilement un train de pensées en l’observant, en lâchant prise.
Comment nous libérer de nos conditionnements ?
L’esprit devient alors moins coagulé, moins crispé, il redevient souple, comme lorsque nous étions de petits enfants : disponible pour ce qui est, présent, attentif, ouvert. On peut ainsi se libérer de nos conditionnements, de nos vues étriquées, de tout ce qui nous lie et nous entrave (bonnos).
Comment résoudre la dualité ?
Ceci est instantanément réalisé en zazen puisque nous revenons à la conscience claire de notre présence dans l’univers. C’est le retour à l’unité.
Comment étancher notre soif d’absolu ?
En voyant que nous sommes nous-mêmes infinis, et en s’harmonisant avec cela.
2) Une vision claire
Lorsque nous revenons en contact avec la réalité, en cessant de projeter sans cesse nos illusions, c’est comme si le film de notre mental s’apaisait. A partir de ce peu d’activité, une vision claire apparaît : on peut percevoir la réalité telle qu’elle est. C’est la vision juste du Bouddha. Pas seulement de Shakyamuni, nous pouvons aussi la réaliser.
Comment retrouver un esprit neuf ?
Par exemple nous entendons véritablement les sons, sans plaquer toute notre « expérience » sur ce qui est là. Nous voyons les couleurs dans leur véritable chatoiement. La pensée aussi évidemment devient plus claire, plus rationnelle. L’intuition se développe également, tout le cerveau est rééquilibré, on n’est plus étouffé par nos propres sécrétions mentales.
Le Bouddha était très rationnel, on voit que sa compréhension de la réalité était quasi-scientifique. De même tous les grands maîtres tels que par exemple Dogen qui a écrit sur « l’être-temps », l’unité de l’existence, du temps et de l’énergie, exactement ce qu’a défini Einstein six siècles plus tard par d’autres moyens bien sûr.
3) La vie d’un point de vue éveillé
Comment guérir l’esprit ?
Lorsqu’on n’a plus à défendre. S’appuyer sur le corps est très important. Dans notre pratique, nous nous concentrons bien sûr sur zazen, mais aussi toutes les attitudes dans le dojo sont importantes ; comment se déplacer, saluer, chanter, revêtir et enlever nos vêtements etc.
Mais aussi lorsqu’on expérimente une journée de zazen ou une sesshin (plusieurs journées de zazen consécutives), on est amené à se concentrer exactement sur chaque moment de la journée : comment manger, comment marcher, quand se reposer, etc.
La manière zen est simple mais difficile à pratiquer si on est agité : si on balaie, on balaie. Si on fait une chose, on la fait complètement, en mettant toute son énergie. Cependant on garde l’esprit disponible et ouvert. Ce n’est pas contradictoire, au contraire. Comme en zazen, on perçoit tout son environnement, le bruit etc. On n’est pas absorbé comme des chercheurs dans un laboratoire (du moins l’idée qu’on s’en fait).
Lorsqu’on mobilise l’attention ainsi, en observant constamment son corps et sa respiration, l’esprit redevient libre, paisible et souple. C’est ce qu’on peut appeler guérir l’esprit.
La même vie, le même monde, sont source d’enfer ou de paradis.